Comment se relever d’un viol ?
Les traces sensorielles associées au viol restent inscrites dans notre mémoire. Le bruit des coups, le souffle de l’agresseur, l’odeur de la peur, la vue de son blouson, de ses mains ou de son visage s’infiltrent dans la pensée. Les traces restent tapies dans l’ombre de notre vie psychique. Ces dernières surviennent à notre insu tels des flashs et elles convoquent en nous la peur et la terreur que l’on a éprouvées lors du viol. Malgré le temps qui passe, les souvenirs qu’on aurait voulu oublier nous hantent. Alors, pour éviter de souffrir davantage de ces réminiscences, on se construit une forteresse pour mieux résister à ce drame apparu dans notre vie.
On se relève difficilement d’un viol dans la mesure où il faut réapprendre à désirer son corps et à tenter de remettre du sens là où le chaos s’est invité : un chaos qui rend notre corps étranger à nous même. Par ailleurs, certaines personnes victimes de viol ou d’agression sexuelles peuvent dire qu’elles ne voient que leur tête. Elles refusent de se reconnecter à un corps qui porte l’emprunte de l’agresseur. Pour certains, le corps est resté figé depuis la scène traumatique : c’est la sidération. Un corps que l’on ne reconnaît plus, un corps qui a été violenté et dont on perd le contrôle.

Quels sont les impacts du viol sur notre vie émotionnelle ?
Le viol est un acte qui transforme les vivants en morts. Que l’on soit un homme ou une femme, se faire violer mortifie les gestes de la vie quotidienne et tout est difficile à supporter : se lever le matin, se rendre à l’école ou au travail, manger, sourire, dialoguer ou se socialiser. Tout devient absurde lorsque notre intimité a volé en éclats. Le sentiment de sécurité interne est fragilisé et la solitude est notre pire ennemi. Il faut alors retrouver tout ce que l’agresseur nous a ravi : l’insouciance et la confiance.
Par ailleurs, le viol provoque des troubles mnésiques liés à la violence des faits durant lesquels l’esprit a quitté le corps. C’est ce que nous appelons la dissociation : se détacher de soi. Lorsque nos émotions sont trop difficiles à supporter, alors la dissociation agit tel un mécanisme de défense pour traiter l’impact du tsunami émotionnel provoqué par le viol. Cela permet à l’énergie psychique de se focaliser sur la survie de son être. C’est pourquoi beaucoup de personnes se souviennent de certains détails et non de l’ensemble de la scène. Il se crée alors des sortes de trous dans nos souvenirs. Mais le cerveau ne supporte pas les trous.
En effet, notre cerveau a besoin de comprendre ce qu’il s’est passé. Cela pour mieux anticiper et mieux s’organiser afin que la scène traumatique à laquelle le cerveau a survécu prenne un sens. Sinon, ce dernier se met en hypervigilance : c’est-à-dire qu’Il est stressé en permanence et reste sur ses gardes afin de fuir en cas de danger.
L’hypervigilance a des impacts sur notre sommeil, notre alimentation et la manière de nous présenter au monde. Le stress nous protège en cas de danger mais les hormones du stress usent le corps et provoque de la fatigue. L’anxiété, si elle n’est pas traitée, se transforme en tristesse.
L’anxiété est révélatrice de notre état émotionnel. Elle vient nous prévenir qu’un danger est présent, voire imminent. Les personnes qui ont été victimes d’un viol savent que leur système d’alerte est devenu défaillant. Ils savent que l’imprévisible est dangereux et que l’attention et la concentration restent difficiles à maintenir à cause du stress généré par le traumatisme. Il arrive que des Troubles Obsessionnels Compulsifs (TOC) ou des idées de scarifications, voire de suicide, apparaissent tant la douleur de l’âme est insupportable.
Quel est l’intérêt d’aller porter plainte pour viol ?

La démarche d’aller porter plainte est importante : elle fait partie du processus de guérison, elle permet à la personne d’acquérir le statut de victime et au violeur celui d’agresseur. En effet, certaines personnes se reprochent d’avoir trop bu, d’avoir consommer trop de drogues ou de s’être habillées trop court. Ces reproches sont une stratégie inconsciente qui permet de trouver une raison valable à une situation injuste et violente. Or seul l’agresseur est responsable de ce qui s’est passé. Il en a l’entière responsabilité.
Lorsque des viols ont lieu dans la cellule familiale, certaines familles remettent en question la parole de la victime. Cette dernière peut être traitée de folle, de menteuse, de trouble fête ou peut être accusée de vouloir détruire la famille. De tels propos provoquent un véritable drame à l’intérieur de soi. La place que nous occupions au sein de la famille est alors remise en cause. La victime est rejetée de la famille. Dans ce cadre là, les victimes sont nombreuses à endurer seules les examens médicaux et les confrontations avec le violeur. A l’injustice du viol s’ajoute l’injustice familiale. Porter plainte, c’est faire valoir son droit à la reconnaissance d’un crime à son égard.
Selon la loi, le viol est une atteinte sexuelle avec pénétration commise sans le consentement de la victime. Il s’agit d’un crime. Le viol est un acte de pénétration sexuelle commis avec violence contrainte, menace ou surprise. Tout acte de pénétration sexuelle est visé : vaginale, anale ou buccale. La pénétration peut-être effectuée par le sexe, les doigts, une autre partie du corps ou par un objet. En l’absence de pénétration, on qualifie l’acte d’agression sexuelle. Il n’est pas nécessaire qu’il y ait des violences physiques pour qualifier un acte de viol. Il suffit que la victime n’ait pas donné son consentement clair et explicite.
A l’issue du dépôt de plainte, le procureur peut décider d’un classement sans suite s’il n’y a pas assez d’éléments pour aller au bout de la procédure pénale. L’affaire peut être classée sans suite par manque de preuve pouvant corroborer le témoignage de la victime. Mais ce n’est pas parce que la plainte est classée sans suite que les faits n’ont pas eu lieu ou que la personne ment. C’est le manque de preuve qui aboutit à cela. Certaines personnes victimes de viol se découragent à porter plainte. Ces dernières ont peur que leur plainte n’aboutisse pas, et d’autres ont peur des conséquences si cela venait à se savoir dans leur entourage.
Comment continuer à vivre après un viol ?

Il y a un avant et un après viol. La personne n’est plus la même. Le goût de la vie n’y est plus. Le sentiment de culpabilité reste vivace, le sentiment de honte reste imprégné en soi. Il faut tout reconstruire. Il faut se contraindre à avancer pour ne pas laisser à nouveau l’agresseur violer nos projets. La personne qui est victime de viol doit avancer avec cette réalité et ne pas laisser son agresseur violer ses désirs. Le travail thérapeutique inscrit le sujet dans sa capacité de résilience à surmonter ce drame. Un travail qui aide le sujet traumatisé à évoluer dans sa vie de famille et/ ou professionnelle pour supporter au mieux l’impact du traumatisme sur soi. Le travail thérapeutique a vocation à remettre le sujet au centre de sa vie et non la vie au centre du trauma.