Les violences faites aux femmes
Dans son ouvrage La force des femmes, Denis Mukwege nous invite à soigner les femmes pour réparer le monde. En France, chaque année, plus de 200.000 femmes sont victimes de violences physiques et/ou sexuelles de la part de leur conjoint ou ex-conjoint. 113 féminicides ont été recensés en France en 2021 et déjà 8 en 2022. Elles étaient des femmes, des mères et des sœurs.
Le mouvement #metoo a libéré la parole des femmes victimes de violences. Des lieux ont pu ouvrir pour les accueillir et écouter leur parcours de vie. La plupart de ces femmes ont été anéanties par des personnes qui les ont manipulées et violentées, et qui ont brisé la confiance qu’elles avaient en elles. Bien des hommes se sont placés devant elles pour leur barrer la route !
Comment accompagner les personnes victimes de violences ?
Aujourd’hui, les travailleurs sociaux accompagnent les femmes victimes de violences. Ils veillent, selon l’expression de Denis Mukwege, à se placer à côté d’elles et non devant elles : le fait de se placer à côté de la personne en souffrance permet de s’adapter à son rythme. Un accompagnement dans le soin est toujours l’histoire de deux êtres qui se rencontrent et qui cheminent vers un avenir meilleur : cela est d’autant plus vrai quand le passé a eu son lot d’humiliations. Lorsque nous sommes l’objet de violences, le monde affectif est pétrifié. Dès lors, nous sommes en proie à une sensation de peur qui nous habite constamment. Notre vie émotionnelle devient un enfer et se transforme en souffrance psychique.
Cette souffrance prend la forme d’idées noires ou d’angoisses massives. Ces dernières se manifestent dans le corps : boule au ventre, plaques d’eczéma, insomnies, fatigue chronique, peur panique, repli dans son lit, … Les personnes qui ont subi des violences portent d’abord l’effet du traumatisme dans leur corps : c’est l’effet du traumatisme qui met en alerte l’ensemble de nos sens à la moindre intuition d’une mise en danger. Le corps s’habille du stress qui agit à n’importe quel moment, avec l’impression que n’importe qui peut venir nous agresser : c’est l’état de stress post-traumatique.
Pour calmer cet état de stress post-traumatique, il est important de revenir sur le souvenir des actes violents. En effet, pour permettre au cerveau de se faire un récit, il est indispensable que la personne témoigne de ces violences. Ce témoignage va éclairer la manière dont les violences et d’emprise se sont installés. Par ailleurs, la personne qui a subi des violences a la sensation d’être responsable de ce qui lui arrive. Cela est lié à la stratégie de l’agresseur qui n’a cessé de lui dire : c’est de ta faute, tu m’as provoqué, etc.
Quels sont les impacts de la violence intrafamiliale sur les enfants ?
Parmi les stratégies de l’agresseur, on retrouve celle qui vise les enfants. Ces derniers sont pris à partie par l’agresseur et deviennent victimes à leur tour dans les conflits intrafamiliaux. Ils ne sont pas considérés comme de simples témoins. Ils portent les conséquences dans la répétition des tensions et des menaces présentent au domicile. Les enfants ont besoin de calme et de tranquillité. Un enfant qui rencontre de la violence entraîne une violence dans la constitution de sa personnalité. Les violences sont à l’origine du sentiment d’insécurité que peut vivre un enfant. Cela peut avoir des répercussions psychotraumatiques provoquant des blocages émotionnels.
Par ailleurs, les enfants exposés aux violences ont un niveau de stress élevé. Cela a des répercussions sur le cerveau qui se traduisent par des effets négatifs :
- Baisse des capacités attentionnelles
- Baisse de la concentration
- Impact négatif sur l’apprentissage
On peut aussi évoquer l’impact du stress sur l’humeur avec l’apparition de troubles dépressifs. Ces derniers sont masqués par un comportement agressif ou des troubles alimentaires. L’exposition à la violence peut aussi entraîner de l’hyperactivité chez un enfant et se prolonger jusqu’à l’âge adulte.
L’enfant a besoin de ses parents. Il est entièrement dépendant d’eux, et ces liens de dépendances doivent être consolidés pour donner à l’enfant un sentiment de sécurité. Cela lui permettra, plus tard, de se détacher de ses parents. Sinon, l’enfant va se sentir fragilisé et en proie à des angoisses de séparation à l’égard d’un des parents. A l’âge adulte, il sera désorganisé avec une personnalité morcelée. Cela aura des conséquences sur sa vie personnelle et professionnelle où il rencontrera une souffrance dépressive, une anxiété affective et une instabilité au travail. Pour d’autres, il y aura une incidence sur leur désir d’être parent : la crainte étant de ne pas reproduire ce qu’ils ont eux-mêmes vécu durant leur enfance.
Comment accompagner les enfants victimes de violences intrafamiliales ?
L’ensemble de ces éléments nous amène à réagir très tôt dans la prise en charge des enfants victimes de violence. Cette dernière s’enracine dans la personnalité de l’enfant et peut s’agglomérer, à l’adolescence, à d’autres formes de violence au sein d’un groupe de pairs : un groupe où des passages à l’acte apparaîtront sous les traits d’intimidations, d’insultes ou de bagarres avec d’autres jeunes. Ainsi, l’adolescent fera l’expérience des effets de la violence sur l’autre et découvrira que les insultes et les menaces ont le pouvoir de toucher, de briser et de dégrader la personne qui en est la cible.
C’est pourquoi il est important que des services sociaux puissent accueillir les mères et leurs enfants et qu’ils puissent se retrouver au sein d’un environnement sécurisant. Que les mères puissent retrouver leur dignité et leurs droits. En effet, la violence est interdite par la loi et elle doit être dénoncée et sanctionnée. La personne qui a subi des violences doit pouvoir exercer ses droits et ne pas culpabiliser si elles souhaitent porter plainte. Les enfants victimes de violence, et qui deviennent violents à leur tour, doivent apprendre à contenir leur violence. Pour cela, un accompagnement thérapeutique est nécessaire pour les amener à prendre conscience de leurs actes et d’en comprendre l’origine.
Certes, des hommes peuvent être victimes de violences conjugales : les attitudes perverses ou manipulatrices ne sont pas genrées. Mais les femmes sont bien davantage victimes de violences et les blessures bien plus graves. Cependant, lorsqu’un homme est victime de violence, il faut aussi en tenir compte et pouvoir lui proposer un lieu de parole et de restauration narcissique.
Pourquoi est-il important d’aider les auteurs des violences ?
Il est primordial que les agresseurs puissent bénéficier d’une aide psychologique. Une aide pour qu’ils puissent mettre des mots, et non des actes, sur la violence qui agit en eux. Bien sûr, la sanction pénale doit être appliquée, mais cela doit s’ajouter à un accompagnement psychologique sur le long terme. Les objectifs visés sont :
- d’éviter toutes récidives auprès d’autres personnes
- de s’assurer que les liens père-enfants soient apaisés, et que le père soit en capacité d’expliquer à son enfant comment il en est arrivé à terroriser sa famille, à exploiter leur peur et qu’ils puissent s’excuser de son comportement violent
L’ensemble de ces éléments pourra soigner et aider l’enfant à grandir sereinement sans se sentir coupable et responsable de ce qui se passait dans sa famille.
Pour étayer mes propos concernant les violences faites aux femmes, je vous propose deux courts métrages. Le premier, intitulé d’une oreille à l’autre, concerne les violences au sein du couple. Il présente la manière dont les mécanismes de violence et l’emprise psychologique s’installent au sein d’un couple. Car la violence commence par du mépris, puis les injures, et enfin les menaces verbales lorsqu’elles ne sont pas physiques.
Le second court métrage aborde l’impact des violences au sein du couple sur les enfants. Il met en évidence l’expérience d’une fratrie qui a été soumise aux violences conjugales. Un dialogue entre un frère et une sœur où les souvenirs refont surface avec leurs lots de peurs, de culpabilité et de tristesse. C’est une un court métrage pertinent et qui traite avec une parfaite justesse des impacts psychologiques sur l’enfant.