Comment surviennent les idées suicidaires ?
Certains considèrent que l’acte suicidaire est un geste de courage, de lâcheté, ou d’égoïsme. Ces différentes représentations ne doivent pas occulter que le suicide et la tentative de suicide traduisent avant tout le geste désepéré d’une personne en grande souffrance. Les idées suicidaires surviennent lorsque la personne n’arrive plus à faire face aux difficultés qu’elle rencontre : elle a l’impression d’être dans une impasse. Les difficultés peuvent être de l’ordre de troubles mentaux, d’une perte liée à un être cher ou à un emploi, de difficultés financières, d’une idéologie, etc. Les idées suicidaires concernent aussi bien les jeunes que les personnes âgées. Le suicide touche tout le monde !
L’acte de mettre fin à ses jours est souvent un acte préparé. De nombreux témoignages de proches de personnes qui se sont données la mort peuvent dire que la veille ou la semaine avant le suicide, la personne avait préparé un testament, laissé une lettre ou encore préparé un bon repas avec sa famille. Parfois, la personne avait projeté de partir en vacances ou d’honorer des invitations avec ses proches. C’est pourquoi ces derniers restent sidérés à l’annonce du décès car nul n’avait imaginé que la personne éprouvait une telle souffrance et puisse se donner la mort : c’est l’incompréhension totale !
Dans certaines situations, la personne va se donner la mort de manière impulsive et immédiate tant le désir de mourir est impérieux : c’est ce que l’on appelle le rapt suicidaire. Ce dernier est un mécanisme inconscient où le sujet est sous l’emprise d’un désir de mort. Le rapt suicidaire est non prévisible par le sujet lui-même. Il passe à l’acte de manière impérieuse.

Le suicide chez les jeunes
Les jeunes se suicident parce qu’ils ne sont pas heureux. Lorsqu’ils décident de passer à l’acte, ils considèrent que c’est leur dernière chance pour cesser de souffrir. Concernant les jeunes qui font des tentatives de suicide, ils expriment à travers leur acte une fugue corporelle : c’est-à-dire une nécessité de s’extraire d’un corps et de pensées envahis par des idées noires et une profonde tristesse. On peut également penser que cette tentative de suicide est une ultime tentative pour interpeller des adultes qui n’ont pas su voir, entendre ou sentir leurs douleurs.
Nous ne sommes pas égaux face à la souffrance et dans sa manière de la gérer. L’adolescence est un passage où le sujet va construire un pont entre l’enfant qu’il a été et l’adulte en devenir : un pont où se construira sa personnalité et sa manière d’être au monde, un pont qui le mènera là où il se sentira vivant, là où il sera vu et reconnu par les autres pour ce qu’il est. Ce processus de construction de soi lui permettra alors de répondre à la seule question à laquelle chacun tente de répondre : qui suis-je ?

Quels sont les éléments déclencheurs d’un acte suicidaire ?
Tout élément est potentiellement déclencheur : c’est le phénomène de la goutte d’eau ! Ainsi, les éléments déclencheurs d’un acte suicidaire sont multifactoriels et peuvent être en lien avec :
- La perte d’un emploi, d’une exploitation, ou de son entreprise.
- L’exercice d’un emploi où la surcharge et les cadences au travail sont importantes.
- Une rupture amoureuse, un divorce non désiré.
- Des troubles de la santé mentale : dépression, troubles anxieux, …
- Une incarcération vécue comme insupportable.
- Le harcèlement scolaire ou sur les réseaux sociaux.
Les pertes et les deuils réveillent les blessures du passé. Lorsque ces dernières n’ont pas été élaborées alors elles peuvent se réactualiser et rendre le sentiment d’impuissance et d’inutilité encore plus insupportables. Dans le cas des maltraitances infantiles liées à des violences et/ou à des abus sexuels, cela peut engendrer des conséquences psychiques et sociales à l’âge adulte : difficulté d’adaptation, mauvaise gestion du stress, impulsivité, etc. Cela entraîne des affections psychiatriques graves pouvant provoquer des dépressions sur le long terme, voire de la mélancolie. Cela déstabilise le sujet et le renvoie à une souffrance morale et affective extrême. L’acte suicidaire devient alors l’ultime réponse à des souffrances jugées insurmontables par le sujet, et plonge les membres d’une famille, les amis et les collègues dans une sorte de désarroi, de tristesse, voire de colère, qu’ils doivent surmonter.
Et il y a aussi ceux qui restent...
Un suicide implique tout le monde. Ceux qui restent confient qu’ils ne s’attendaient pas à l’acte suicidaire de leur enfant, de leur conjoint.e, de leur ami.e ou de leur collègue. Les personnes qui se sont données la mort sont souvent décrites par leur proche comme des gens qui étaient généreux, altruistes et pleins de vie ! C’est la raison pour laquelle certains proches ont été sidérés longtemps après le drame et se sont retrouver dans un état post-traumatique. D’ailleurs, le traumatisme est encore plus fort pour ceux qui ont découvert le corps et/ou qui ont tenté de le réanimer car ils doivent endurer le vide laissé par leur proche et supporter dans leur mémoire les flashbacks du corps inanimé, voire défiguré.
La mise en acte suicidaire est une véritable énigme dont seule la personne qui s’est suicidée peut apporter des réponses. Se donner la mort est incompréhensible pour ceux qui restent, et ces derniers doivent continuer à vivre avec ce sentiment de vide, de tristesse et parfois de culpabilité. Ces différents éprouvés doivent être évoqués en famille pour créer du lien autour du silence morbide laissé par le défunt : un silence où la colère envers la personne qui nous a quitté ou abandonné, ne nous a pas laissé l’occasion de lui dire adieu, je t’aime, de ne pas l’avoir serré dans nos bras, bu un verre ou danser avec elle pour une dernière fois.
Parler du suicide reste un tabou dans les familles, les écoles ou dans les entreprises. Or, l’ensemble des suicides et des tentatives de suicide doivent nous alerter sur les valeurs que partage une société lorsque les plus désespérés nous interpellent et nous disent : “Nous ne sommes pas comme vous ! Regardez-nous, et écoutez-nous”.
Parfois, une parole ou une présence suffisent pour que le sujet en souffrance se sent vivant telle que le montre la vidéo ci-dessous.
Le ministère de la solidarité et de la santé a mis à disposition une aide professionnelle, via un numéro vert, pour les personnes qui ont des idées suicidaires : le 3114.